Lettre ouverte à Élisabeth Borne

Elisabeth Borne interpellée sur les forêts

Semeurs de forêts et Projet Silva

Des associations interpellent la Première ministre sur l’action environnementale liée aux forêts

A l’heure de la lutte pour le changement climatique, de la transition énergétique, et suite aux grands incendies et à la sécheresse de cet été, notre environnement n’a jamais fait parlé autant de lui. Si auparavant, on entendait surtout les scientifiques tirer la sonnette d’alarme, c’est au tour de notre gouvernement de faire de même. Élisabeth Borne, notre Première ministre, a annoncé le 27 août dernier la création d’un « fonds vert » de 1,5 milliards d’euros en faveur des collectivités locales pour la réhabilitation des friches, la rénovation énergétique de certains bâtiments publics et la création de zones de nature en ville. Cette dotation a pour objectif de permettre la mise en place de solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. 
Dans le même esprit, dans son discours du 29 août devant le Medef, à l’occasion de l’ouverture de la Rencontre des entrepreneurs de France, elle a ensuite désigné la forêt comme secteur-clé dans cet objectif, ainsi que le démarrage dès le mois de septembre, de discussions et de négociations sur le sujet.

Depuis quelques années, des associations comme « Semeurs de Forêts » et « Projet Silva » œuvrent à reconstruire des sanctuaires dédiés à la nature. Plusieurs dizaines d’hectares ont déjà été reboisés en France par leurs soins et sont aujourd’hui préservés. Chaque projet est à vocation citoyenne et amène tous ceux qui le souhaitent à venir participer aux chantiers de plantation et à l’entretien des arbres. Ces terrains sont ensuite sanctuarisés dans l’intention d’y créer des îlots de biodiversité.

Dans le cadre de la mise en place de ces mesures, ces deux associations ont lancé une tribune à l’intention de notre gouvernement.


Lettre ouverte : Donner à la forêt la place pour jouer son rôle pour l’environnement et la France

Madame la Première Ministre,

Lors de votre discours inaugural de la REF 2022 (ex-Universités d’été du MEDEF), vous avez vu juste : la forêt est un enjeu essentiel face à l’effondrement de la biodiversité et au réchauffement climatique, que cela soit en France et partout dans le monde. Celle-ci participe en effet activement à la captation de gaz à effets de serre, ainsi qu’à la protection et au développement du vivant, sous réserve qu’on lui en donne l’espace, le temps et, si vous nous le permettez, les moyens.

Vous venez d’annoncer un plan ambitieux pour répondre à ces problématiques. En tant qu’associations engagée sur le sujet, nous saluons cette initiative, en espérant qu’elle soit suivie d’effets rapides, concrets et à mettre en œuvre par un nombre important d’acteurs de différents horizons.

Il convient, il nous semble, avant toute action, de regarder la forêt française comme elle est aujourd’hui. Il est d’usage de dire qu’elle progresse. C’est un fait car oui, selon l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière), la superficie forestière progresse de 0,7% par an depuis 1980. Pourtant, on confond souvent forêt naturelle et exploitation. Il n’est ici pas question de remettre en cause l’intérêt de cette dernière, mais il semble important de rappeler, toujours selon les chiffres de l’IGN, que 51% des surfaces forestières sur le territoire comptent principalement une essence (comme les Landes par exemple durement touchées cet été), et 33%, deux essences, soit 84% de nos forêts composées de deux essences ou moins. Plus vertigineux encore, seuls 4% de cette surface forestière globale représentent des forêts hébergeant quatre essences ou plus.

Pourtant, de nombreuses études et experts (notamment le CNRS et l’INRAE) s’accordent aujourd’hui à dire que la forêt est un ensemble qui développe des capacités de résistance au feu, aux attaques biologiques (parasites, champignons…), dès lors qu’elles sont multi essences et qu’on leur laisse le temps de se développer, se consolider, et ainsi contribuer aux objectifs visés.

Pour cette raison, nous proposons deux axes de réflexion – et d’action – prioritaires :

  • Rénover le nécessaire secteur de l’agroforesterie pour le faire passer d’une logique d’exploitation en mono essence, à une sylviculture qui investit sur le multi essences. Un changement de méthode pour rendre les forêts exploitées plus robustes (aux feux, aux parasites, aux vents violents, à la sécheresse…) et plus contributrices à l’effort de captation de CO2 et contre l’effondrement de la biodiversité. Un changement qui demandera sans doute le retour d’approches plus vertueuses pour son exploitation également. Il est temps d’en finir avec les coupes rases comme la Suisse, la Slovénie, l’Autriche, l’Allemagne… l’ont fait il y a plusieurs dizaines d’années, et de retrouver un système de prélèvement plus respectueux de la nature et de la biodiversité. Une manière aussi, au travers d’une gestion certes plus pointue, de développer à terme des revenus prometteurs et répondre aux besoins en bois de nos territoires.
  • Accompagner cette démarche d’une sanctuarisation à grande échelle d’espaces rendus à la nature. Et ainsi, opérer un changement de rapport au vivant, dans lequel l’humain ne considère plus seulement la nature comme une ressource à exploiter, et un investissement financier dont on attend un retour, mais bien comme un acteur majeur de la lutte contre les effets dévastateurs du réchauffement climatique, et donc, un allié indispensable à la survie de l’humanité. Ces espaces, nous les imaginons réservés à la nature dans son ensemble, avec pour principal objectif de développer le vivant, au service du vivant. Cette sanctuarisation, de nombreuses associations s’activent pour la mettre en place et croyez le madame la Première Ministre, elle porte ses fruits à une vitesse impressionnante, que ce soit sur le plan végétal ou animal de toute taille. Cela nécessite aussi un changement de paradigme, car en complément de la sylviculture, il s’agit d’investir sur des espaces sans viser un autre retour que celui peut être de contribuer à nous sauver. Le jeu en vaut la chandelle, ne croyez-vous pas ?

Aujourd’hui, cette démarche existe. Elle est portée par des acteurs engagés de taille modeste dont nous faisons partie. Il y en a d’autres. Avec ferveur et enthousiasme, nous levons des fonds, qui nous permettent de sanctuariser quelques hectares à l’année et de les reboiser. Une part modeste, mais une part quand même, dans l’immense chantier qui est devant nous tous. Pour mettre à profit ce savoir-faire et cet engagement, nous souhaitons collaborer avec vous afin d’aborder ensemble les actions à mener et à soutenir. 

Impliquez-nous, travaillons de concert sur ce sujet si fondamental pour tous. L’enjeu est immense. Et le temps presse.

Avec nos respectueuses salutations.

Pour Semeurs de Forêts
Florence Massin – Présidente
David Buffault – Vice-Président
semeursdeforets.org
Pour Projet Silva
Yann Roques – Fondateur

projetsilva.com