Analyse du terrain Juvignies : 19 juin 2020

Nous sortons de deux à trois semaines d’un temps mitigé avec des précipitations régulières. Les arbres vont bien, même si nous constatons que les arbres plantés en mars ont plus de stress hydrique que ceux plantés en décembre. Ces derniers sont moins grands mais semblent plus tranquilles. Les 3 mois supplémentaires d’implantation sont essentiels. Nous ne planterons plus qu’en automne, en novembre.

Aux pieds des arbres, la structure argileuse du terrain laisse apparaître une légère battance (formation d’une croûte en surface sous l’action de la pluie ou d’un piétinement important) au niveau du sol (environ un centimètre). En dessous, en griffant le sol, on découvre une terre fraîche et ameublie. Le paillage est humide et les pieds semblent être au frais. Il serait intéressant de sarcler ou griffer légèrement cette battance au moment de l’arrosage pour qu’il y ait une meilleure absorption.

Sur le terrain, la quête d’indices de plantes bio-indicatrices permet de connaître la structure du terrain. Les plantes et les arbres que l’on retrouve spontanément sur le terrain donnent de nombreuses informations.

Pour rappel : le sol est un énorme réservoir de graines. Une plante arrivée dans un terrain sans l’intervention humaine a une raison d’être là. Lorsque les conditions de sol et de climat sont réunies, elles germent. Il s’agit de la levée de dormance. Ainsi, lorsqu’il est constaté une dominance de certaines plantes, on peut en déduire les conditions du sol dans lequel elles ont poussé et la dynamique de celui-ci.

En tant que semeurs, nous nous devons d’être observateurs avant d’être acteurs !

« On ne commande à la nature qu’en lui obéissant. »

Devise des forestiers

Sur le terrain de Juvignies, on retrouve :

Pour les plantes/adventices présentes (la liste n’est cependant pas exhaustive) :

  • des marguerites : elles sont très présentes surtout sur le plateau et les coteaux. Peu exigeantes sur la nature du sol, elles ont une préférence tout de même pour des sols assez fertiles, frais et bien drainés. Elles supportent un sol calcaire et réclament surtout du soleil. Elles craignent essentiellement les excès d’eau au pied.
Marguerite commune (Leucanthemum vulgare)
  • de la clématite vigne blanche (vitalba) en quantités également mais localisée sur les coteaux essentiellement. C’est le signe d’un milieu au pH neutre à tendance argilo-calcaire. C’est aussi une vivace qui aime la richesse des milieux forestiers. Même si elle peut être irritante, c’est une plante qui accueille, abrite et nourrit une faune très variée : abeilles, bourdons, papillons…
  • de la renoncule rampante (bouton d’or) dans la cuvette où se trouvent les arbres. C’est le signe d’un milieu humide et engorgée d’eau (sol hydromorphe). La renoncule affectionne particulièrement les sols riches en matières organiques. Son installation spontanée permet de savoir que le sol est argileux, avec une terre fraîche à humide. Elle n’aime pas les sols calcaires.
  • de l’achillée millefeuille sur le plateau à proximité des abris à chevaux. Nous sommes en présence d’une plante que l’on retrouve bien souvent le long des chemins, des voies ferrées, dans les prés, les terrains vagues et les friches. Elle affectionne les sols bien drainés qu’il soit sec ou frais (une terre engorgée d’eau et une trop forte humidité peuvent entraîner la pourriture de la souche). Un sol ordinaire plutôt neutre, calcaire et argileux peut convenir à la croissance de l’achillée. Elle indique une « hémorragie » en matière organique, en fertilisants, et un excès de carbone dus au crottin des chevaux. C’est cependant une plante qui améliore les sols.
  • de la carotte des prés (carotte sauvage) dans le coteau et près des arbres. C’est une plante qui ressemble beaucoup, notamment par sa fleur, à l’achillée millefeuille. Elle aime la lumière et se développe dans un endroit ensoleillé, sur un sol drainant, frais avec des ressources en eau, même si elle est tolérante à une sécheresse modérée et un sol compacté. On la retrouve aussi dans un sol riche en nutriments et en général assez neutre, même si elle peut indiquer la présence de calcium. Il s’agit d’une plante pionnière qui se retrouve dans les jardins, les champs, les friches… Les carottes sont dépendantes des bactéries rhizobium pour leur croissance et ne peuvent pas survivre sans elles. Elles ont donc besoin de plantes symbiotiques fixatrices d’azote comme la luzerne, les trèfles, les vesces, les bugranes, les coronilles, le lotier corniculé, les genêts…
Carotte sauvage (Daucus carota)
  • du cirse des champs (chardon des champs) que l’on retrouve dans les coteaux et dans la cuvette au niveau des arbres. Le cirse des champs est une plante qui peut s’adapter à de nombreux milieux, mais de façon spontanée, il préfère les milieux riches, au pH neutre, ensoleillés et frais. Le cirse serait une plante bio-indicatrice des sols saturés par des amendements excessifs en engrais azotés et en fumiers non compostés ou par sur-pâturage. N’oublions pas que pendant 17 ans, la parcelle accueillait des chevaux. Il y en a tout de même assez peu.
  • de l’ortie dioïque surtout à proximité des abords du terrain vers les grands arbres, mais aussi lorsqu’on remonte vers les abris pour chevaux. Nous sommes encore en présence d’une plante qui aime les milieux neutres et frais. La présence d’ortie est le signe d’un sol riche, particulièrement en azote.
  • de l’arum d’Italie et du houx : j’en ai découvert quelques pieds en sous-bois au niveau des grands arbres où se trouvent un tilleul à petites feuilles et des charmes. Le tilleul comme les charmes ne se retrouvent pas de façon spontanée sur le terrain. Etant donné leurs tailles, nous soupçonnons qu’ils ont été plantés sur le terrain il y a plus de 30 ans. La présence de l’arum d’Italie montre une évolution des sols riches en base pour la forêt. On retrouve également dans cette zone un ou deux plants de houx. Même s’il s’adapte à presque tous les types de sols (sauf trop calcaires), le houx aime une certaine humidité et fraîcheur dans le sol et se développe dans les sous-bois de préférence riche en humus. C’est un arbuste qui pousse spontanément à l’ombre ou à la mi-ombre.
  • du lierre et de la violette des bois : de la même manière, dans les sous-bois, le lierre s’est installé en même temps que quelques plants de violette des bois. Cela montre une évolution de la prairie vers la forêt avec un sol neutre, plutôt humide et riche en matière organique végétale. La violette des bois aime les sols de sous-bois en forêts de feuillus.
  • des ronciers : on les retrouve bordant la zone clairière avec les grands arbres et l’un des bords du terrain (au fond de la parcelle). En plus de nourrir et d’abriter de nombreux insectes, les ronciers sont utilisés par les oiseaux pour y construire leurs nids, et par plusieurs espèces de reptiles pour se protéger des prédateurs. Les ronciers se développent dans différents types de sols, mais ont besoin d’un bon ensoleillement (ils craignent cependant les emplacements trop chauds).
Roncier (Rubus L.)

Pour les arbustes et arbres

  • des rosiers des champs (églantiers) en quantités surtout sur les pentes des coteaux et en bas dans la cuvette du terrain. L’églantier s’adapte à tous les sols, mais il préfère en général de façon spontanée les sols riches en humus et peu acides.
  • des prunelliers (épine noire) : on retrouve des prunelliers en nombre un peu partout sur la parcelle. Il supporte presque tous les sols, même s’ils se développent pleinement en sol à tendance calcaire dans un emplacement dégagé et ensoleillé. On le retrouve souvent dans des zones en transition vers la forêt. Souvent associé à l’aubépine et au cornouiller sanguin, mais également aux érables champêtres, chênes, charmes et hêtres, ils apprécient la présence d’humidité. C’est une espèce pionnière.
  • de l’aubépine monogyne et de l’aubépine épineuse : c’est le signe d’un milieu peu acide, en général neutre et bien drainé. C’est une espèce pionnière. Elle est très rustique et colonise souvent les terrains abandonnés et exposés au soleil. On retrouve aussi de l’aubépine épineuse spontanée sur le terrain. C’est une essence qui se plaît dans les sols riches et assez frais, neutres à légèrement acides.
  • du frêne commun : à l’état spontané, c’est le signe d’un milieu neutre, d’un sol riche en nutriments, frais et profond, bien drainé, de légèrement acide à basique (sol argilo-calcaire ou argilo-limoneux). Il aime les situations ensoleillées. Le frêne est une espèce post-pionnière. Il est exigeant en humidité atmosphérique, en alimentation en eau et reste sensible à la sécheresse. Il résiste aux basses températures et sa croissance est optimale sur les sols profonds, humides à frais. Sur le terrain, il s’associe facilement avec l’érable sycomore.
  • de l’érable sycomore : à l’état spontané, c’est l’un des grands arbres que l’on retrouve également le plus sur le terrain. C’est le signe d’un milieu neutre ou légèrement acide. C’est un arbre qui a une forte exigence vis-à-vis de l’humidité atmosphérique, qui aime les sols frais (il peut être sensible à la sécheresse mais peu au froid hivernal). Il craint les sols trop secs et ceux à engorgement temporaire peu aéré et compacts. On peut le trouver avec le frêne, l’aulne ou le chêne pédonculé, notamment dans les zones alluviales. C’est une espèce pionnière, qui colonise rapidement les milieux favorables. On retrouve aussi quelques érables planes, mais finalement assez peu sur le terrain, ce qui s’avère normal, puisque contrairement au sycomore, l’érable plane n’est pas une essence qui s’impose et domine.
  • de l’érable champêtre : de la même manière, on le retrouve de façon spontanée sur le terrain, mais de façon moins importante et surtout il reste en bordure de lisière. Il ne semble pas s’aventurer comme le font les érables sycomores et les frênes, les deux essences les plus dominatrices du terrain. C’est un signe d’un milieu neutre, avec un sol ni trop sec, ni gorgé d’eau, d’un pH neutre à légèrement basique.
Érable champêtre (Acer campestre)
  • de l’orme champêtre : on retrouve quelques petits plants sur le terrain de façon spontanée. C’est une essence qui se plaît en sol argileux ou limoneux, riche, frais et bien drainé, dans un endroit ensoleillé.
Orme champêtre (Ulmus minor)
  • du merisier (cerisier des bois, sauvage ou des oiseaux ) : quelques petits plants se retrouvent sur le terrain à proximité d’un grand merisier en bordure de terrain. Ils ne s’éloignent pas trop de l’arbre adulte. On en retrouve aussi de façon un peu plus importante en haut du coteau en se rendant aux abris pour chevaux. Sa croissance est optimale sur un sol limoneux profond, plutôt neutre, frais et riche en nutriments. Il craint cependant les sols où l’hydromorphie (engorgement. Le sol doit être bien drainé car il craint l’humidité stagnante) apparaît à moins de 40cm de profondeur et les sols trop secs qui ralentissent sa croissance. C’est une essence de lumière, dont le développement est favorisé par un environnement forestier.
Merisier (Prunus avium)

Nos conclusions

L’observation des différentes espèces d’arbres et de plantes présentes nous donne de précieuses indications sur l’état du sous-sol du terrain de Juvignies.
Nous en venons à la conclusion que nous sommes en présence d’un sol plutôt neutre avec une structure argileuse et limoneuse, et un peu de calcaire. Cela confirme les analyses du début, au moment de l’achat du terrain. La présence de certaines plantes et arbres montrent une humidité dans les sols intéressantes, qui permet de conserver une certaine fraîcheur, même en été. Même si à première vue avec la présence d’argile, nous avons eu quelques difficultés à planter, il s’avère que les essences présentes spontanément montrent un sol plutôt bien drainé sans stagnation importante d’eau qui pourrait nuire aux systèmes racinaires de nos jeunes plants.
Deux principales essences en arbres de haute taille semblent très pionnières sur le terrain et semblent se partager le territoire : le frêne commun et l’érable sycomore. On retrouve également du prunellier et de l’aubépine en nombre pour les arbustes, deux essences pionnières également.
En observant le roncier qui semble protéger l’espace de sous-bois où se trouvent le tilleul et les charmes, je crois qu’il serait judicieux de planter à une distance suffisante de cet endroit (au moins 2 à 3 mètres) pour ne pas faire rentrer trop brutalement en contact de jeunes plants avec un espace de sous-bois déjà forestier.
A la vue des plantes, arbustes et arbres spontanés, nous sommes dans un espace en transition vers la forêt. Le tilleul et les charmes au fond du terrain ont dû être plantés par l’homme il y a plus de 50 ans à 100 ans (voire plus) de cela à la vue de leur taille et du côté sous-bois qui s’est installé. La couche d’humus est fine et montre une bonne activité souterraine. Le terrain est riche en matières organiques, peut-être trop à certains endroits (avec le crottin des chevaux). Des plantes comme l’achillée millefeuille viennent améliorer le sol. L’eau semble être présente, même si sur les deux premières années, nous aurons à arroser les jeunes plants.
N’oublions pas cependant que les plantations réalisées vont conduire le terrain à se modifier. La dynamique entraînée sera l’occasion d’observer dans quelques mois et quelques années notre impact sur cet environnement.