Si vous aimez vous promener dans les bois, vous avez dû apercevoir au gré de vos promenades, des instants de désolation, où la forêt semble s’arrêter, ravagée, comme si une bataille venait d’avoir lieu. Il n’y a plus d’arbres sur plusieurs centaines de mètres, juste des souches, quelques branches au sol témoignant encore d’une présence ancienne de vie. Ces coupes rases, appelées aussi coupes à blanc, sont de plus en plus courantes dans les paysages forestiers aujourd’hui. Et pour cause : depuis le début des années 90, de lourdes et puissantes abatteuses, ont commencé leur apparition dans nos forêts. Invisibles au début, elles sont devenues presque une règle aujourd’hui.
Et lorqu’on les aperçoit la première fois, on ne peut que se dire « quels sont ces monstres qui arrachent tout ? ». Ces impressionnantes machines coupent la base de l’arbre, pendant qu’un grappin maintient le tronc de l’arbre et qu’une scie et un bras articulé l’ébranchent en un temps record. Le rendement est spectaculaire : près de 150 stères de bois par jour, contre 20 pour un bûcheron expérimenté équipé d’une tronçonneuse. Et elles marchent parfois jour et nuit sous la lumière de projecteurs, pour amortir leur prix gargantuesque : environ 500 000€ par machine.
Des écosystèmes bouleversés
Ces machines de trente tonnes ont un impact énorme sur les écosystèmes. Et pour cause : celles-ci compactent les sols, les tassent, les décapent, laissant, pour des années, voire des dizaines d’années, un terrain dur comme du béton. Cela n’est pas sans conséquence car les sols contiennent des milliers de micro-organismes différents, qui interagissent entre eux et participent aux cycles de la biosphère. Après le passage de l’abatteuse, les champignons mycorhiziens et les bactéries fixatrices d’azote qui participent à l’absorption des nutriments par les arbres et leur confèrent une résistance accrue aux maladies, les organismes décomposeurs qui permettent le recyclage des matières organiques, les vers de terre qui favorisent la structuration et l’aération des sols et ainsi la prospection des racines, meurent sous le poids ou d’asphyxie dans cette terre où l’air ne circule plus.
Une libération du CO2
La photosynthèse permet aux arbres de capter le CO2 atmosphérique, et de le stocker ensuite dans le tronc, les racines, les branches et les sols. Selon les dernières études dans le domaine, ce serait surtout dans le sol que les forêts retiennent le carbone.
En 2014, l’équipe de Nathan Stephenson, écologiste à la US Geological Survey de Three Rivers, en Californie aux Etats-Unis a montré dans une étude parue dans la revue Nature, que plus un arbre est vieux, plus il capture de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Un arbre ne cessant de croître. On pensait depuis longtemps que les jeunes arbres étaient de meilleurs remparts au changement climatique en séquestrant davantage de CO2 que leurs lointains aînés. Mais finalement, pas du tout. De la même manière, le journaliste Gaspard d’Allens dans son ouvrage « Mains basses dans nos forêts » parue en avril 2019 explique : « Des études récentes ont aussi montré que c’est surtout dans le sol que les forêts séquestrent le carbone. Sur 150 tonnes stockées en moyenne par hectare, une centaine se retrouve dans la terre, notamment sous forme organique (humus). Dans une plantation gérée industriellement, une coupe rase peut donc avoir un effet dévastateur. En remuant le sol, en le mettant à nu, face à la lumière, les abatteuses libèrent tout le carbone sous forme de CO2 ».
A méditer bien sûr… Mais il paraît essentiel aujourd’hui de préserver les forêts et la biodiversité qui s’y trouve pour les décennies et les siècles à venir.
A bientôt 🙂
Florence de Semeurs de Forêts
Ps : Merci beaucoup à Kämi Dobï, illustratrice également plasticienne et graphiste, d’avoir accepté d’illustrer cet article. Vous pouvez la retrouver sur :
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