La méthode Miyawaki

L’origine

Akira Miyawaki

Akira Miyawaki (1928 – 2021), botaniste japonais, était un expert en biologie végétale et professeur à l’université nationale de Yokohama. Il a élaboré et mis en pratique la méthode de reforestation « senzai shizen shokysei », soit la « végétation potentielle naturelle ».

Le principe

Ce dispositif se décline en plusieurs étapes. Une sélection est faite au sein d’une variété de plantes indigènes d’une région. Les graines sont ensuite plantées et mises à germer dans des pépinières. Lorsque les plants ont un ou deux ans, ils sont replantées sur des terrains préparés. Les sols qui en ont besoin sont amendés en amont avec des matières naturelles (écorces, mulch…). L’idée étant d’augmenter leur fertilité et de mettre en place le maximum de conditions bénéfiques pour les arbres qui y seront plantés.

Une sélection de nombreuses essences sur chaque parcelle (entre 30 et 40 essences différentes natives dans la même zone) est proposée, afin de maximiser la biodiversité qui pourra s’y installer. Les essences vont de l’arbuste des bocages aux arbres de canopée pour une occupation optimale de l’espace vertical et un plus grand stockage de carbone.

Cette biodiversité évoluera ensuite au fil du temps, à mesure que les successions végétales s’installeront.

Les avantages de cette méthode

Accessible à de simples citoyens

La technique « Miyawaki » est une méthodologie unique qui a fait ses preuves dans le monde entier, quelles que soient les conditions de sol ou de climat. Plus de 3000 forêts ont déjà été créées avec succès. Sa méthodologie précise permet à de simples citoyens de s’en emparer et de mener des projets. C’est pour cette raison que de nombreuses associations se sont créées en reprenant les fondamentaux de cette technique ces dernières années.

L’étape plus délicate de la préparation des sols, parfois cruciale sur des terres dégradées notamment en ville, peut nécessiter des moyens importants (pelleteuse par exemple).

L’impact sociologique de ces plantations est également important, car il repose sur la participation des populations aux plantations. Ces « plantations citoyennes » ont une vocation pédagogique et favorisent pour de nombreuses personnes une reconnexion à la nature, ce qui peut être le point de départ de prises de conscience.

Une biodiversité en moyenne 18 fois plus importante

Les forêts plantées sont en général beaucoup plus denses qu’une plantation d’arbres classique, et plus riches en biodiversité. Celle-ci s’explique par le nombre des essences plantées, chacune fournissant naturellement des habitats et des ressources pour une plus grande population d’espèces animales. En ville, l’aspect touffu de ces bosquets permet à des animaux d’y trouver refuge plus facilement que dans des parcs où les arbres restent très espacés les uns des autres. Selon une étude néerlandaise effectuée en 2018 (Alterra – Animal ecology et al., 2018), la plantation selon la méthode Miyawaki étudiée présentait en moyenne une biodiversité 18 fois plus élevée que celle des bois environnants. Selon les types d’espèces étudiées, le gain en biodiversité étaient de 2 fois à 162 fois plus important.

Une meilleure reprise des plantations

La méthode s’avérerait plus efficace que celles des reboisements classiques, en permettant un meilleur enracinement et donc une résistance aux conditions météorologiques extrêmes (tempêtes, sécheresses, inondations, feux, vents violents, maladies…). Une étude menée en Sardaigne en 2011 a voulu tester la technique à un endroit où toutes les autres méthodes de reforestation avaient échoué.

Voici quelques extraits de l’étude en question :

« Les résultats obtenus 11 ans après la plantation sont positifs : après avoir comparé les techniques traditionnelles de reboisement, la biodiversité végétale selon la méthode Miyawaki apparaît très élevée, et la nouvelle cénose (communauté végétale) a pu évoluer sans autre appui opérationnel après la plantation.
[…]
La méthode Miyawaki pourrait offrir une approche de reboisement plus rapide et plus efficace dans l’environnement méditerranéen, en adoptant des principes théoriques naturalistes non testés auparavant en Europe méditerranéenne, qui présente le défi supplémentaire d’un climat saisonnier caractérisé par une aridité estivale aggravée dans plusieurs cas par le froid hivernal, et aussi par les sols minces. Nous proposons ici une comparaison entre la méthode Miyawaki et deux autres méthodes de reboisement traditionnellement appliquées dans les pays méditerranéens. Les résultats ont montré un développement plus rapide des arbres sur les parcelles de Miyawaki, en particulier des espèces à début de succession. Les avantages par rapport aux méthodes précédentes sont remarquables et comparables à ceux obtenus par Miyawaki en Asie et en Amérique du Sud. « Effectiveness of the Miyawaki method in Mediterranean forest restoration programs
June 2011 Bartolomeo Schirone Tuscia University

Cet article fait état de 61 à 84 % de mortalité des arbres 12 ans après la plantation dans cet environnement très aride et à risque de désertification qu’est la Sardaigne.

Ceci est à comparer aux 100% de mortalité à 12 ans des autres méthodes de reforestation, puisque l’auteur indique dès l’introduction :

Un premier test a été réalisé par l’Université de Tuscia, Département des Forêts et de l’Environnement (DAF), il y a 11 ans en Sardaigne (Italie) sur une zone où les méthodes traditionnelles de reboisement avaient échoué.

A l’heure actuelle, aucune étude ne porte sur les taux de reprise en climats européens plus tempérés. Si les chiffres de cette étude ne peuvent bien évidemment pas être généralisés à notre climat, il semble bien que cette méthode de plantation demeure très prometteuse.

Peu d’entretien

Les nouvelles plantations se développent assez rapidement grâce à l’interaction entre les plantes et aux synergies qu’elles développent entre elles. Elles nécessitent une intervention humaine pendant les 3 premières années pour arroser et retirer les adventices et graminées, qui pourraient pousser et concurrencer les jeunes plants en évolution.

Les forêts sont indépendantes, sans maintenance, sans produits chimiques ni fertilisants artificiels, sauvages et natives, et soutiennent la biodiversité locale au bout de seulement trois à six ans, d’après les expériences réalisées notamment au Japon, dont les forêts sont relativement similaires à celles qui poussent en France.

Comme dans toute plantation, il peut être nécessaire d’arroser légèrement les arbrisseaux les premières années, afin de leur permettre de survivre et de développer leur système racinaire. Ce qui leur permettra de résister aux sécheresses.

Si cette méthode de plantation peut étonner par sa densité (3 arbres au mètre carré), c’est uniquement parce que nous avons été habitués à voir des plantations humaines, d’arbres bien espacés les uns des autres, en ville ou dans des forêts exploitées. Dans des forêts naturelles, les arbres poussent très proches les uns des autres.
C’est d’ailleurs cette proximité qui permet aux arbres une coopération par leur réseau racinaire. Cela leur permet de croître plus rapidement, d’être plus résistants aux aléas climatiques, et d’avoir une assistance en cas de maladie.

Bien entendu, il ne faut pas comparer les forêts obtenues en suivant cette méthode, à celles de la sylviculture. Les méthodes de plantation et de gestion en sylviculture visent à privilégier certains arbres au détriment d’autres qui sont abattus lors d’éclaircies, afin de donner des fûts (troncs) les plus droits et larges possibles. L’objectif de rentabilité étant absent dans les plantations Miyawaki, les arbres peuvent être moins droits, moins larges, moins touffus, moins beaux, aux yeux d’une personne habituée à se promener dans la plupart des forêts françaises.

Les autres techniques

Nous avons choisi, pour notre premier terrain, une terre qui pendant 17 ans a servi de pâture à des chevaux en milieu rural. En phase préparatoire, nous avons découvert un sol très vivant avec une activité bactérienne et mycorhizienne importante. Sans intervention humaine, le terrain était déjà en évolution de forêt avec de nombreux arbrisseaux qui s’étaient développés de façon spontanée un peu partout. Nous avons choisi de ne pas transformer le terrain, comme le préconise la méthode Miyawaki, pour préserver la qualité du sol et d’ajouter de la diversité par le nombre des essences plantées (plus d’une trentaine indigènes).

Pourquoi ne pas laisser le terrain en friche ?

La nature fait généralement très bien les choses lorsqu’on la laisse tranquille. Une solution ne serait-elle pas de laisser complètement les terrains en libre évolution ? Ceci aurait l’avantage d’un coût nul, et d’une absence de travail nécessaire.

Cependant, cette approche peut présenter certains problèmes, dus notamment à la modification des milieux par l’activité humaine.

Dans une friche, les plantes et arbres ou arbustes poussent en répondant à deux conditions :

  • être adaptés au type de sol et aux conditions locales, notamment climatiques.
  • avoir leurs graines amenées sur le terrain d’une manière ou d’une autre (animaux, vent, …).

Rappelons que la méthode Miyawaki vise à utiliser des essences locales, afin de fournir des niches écologiques à la vie indigène, et dans l’espoir qu’elles soient plus adaptées au milieu environnant.

En ville, de nombreuses essences présentes sont souvent non indigènes, qu’elles aient été plantées ou aient poussé de façon spontanée. Palmiers, copalme d’Amérique, érables negundo, mais aussi des essences dites invasives comme les ailantes, buddleia de David … Laisser un terrain en friche présente un risque non négligeable de le voir rapidement colonisé par ce type d’essences. Certaines personnes pourront naturellement s’en accommoder, tout dépend des objectifs que l’on a par rapport au terrain en question et à la biodiversité locale.

En campagne, même si la situation n’est pas aussi alarmante, le constat n’est malheureusement pas bien meilleur. Les pertes de biodiversité sont liées à la disparition des haies champêtres, et l’apport d’essences non indigènes aux jardins des particuliers ou aux plantations à proximité.

Notre approche sur des terrains de grande surface est de créer des îlots de biodiversité, en réintroduisant un maximum d’essences locales, certaines en voie de disparition comme l’épine-vinette de la Somme, et en les entretenant les premières années afin qu’elles aient l’opportunité d’occuper l’espace. Les terrains sont ensuite laissés en libre évolution, laissant la régénération naturelle faire son œuvre et couvrir l’ensemble du terrain.

Au fil de notre expérience, nous avons choisi d’espacer les plants les uns des autres, par rapport à ce qui est préconisé dans la méthode Miyawaki, afin de réduire le coût de la plantation étant donné les surfaces sur lesquelles nous plantons (plus d’un hectare). 

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Vous pouvez télécharger de la documentation sur la méthode Miyawaki en cliquant ici. Cette documentation est la traduction française réalisée par nos soins des documents que Afforestt a mis à disposition en accès libre sur leur site. Nous les avons traduits avec leur autorisation.