C’est quoi une forêt ?

illustration de Kämi Dobï

Réflexion

C’est quoi une forêt ? La question peut faire sourire et paraître appropriée dans la bouche d’un enfant de moins de 6 ans, moins dans celle d’un adulte. Et pourtant, je me la suis posée, à plus de 40 ans, quand j’ai réalisé qu’une « vraie » forêt, ce n’est pas ce que j’ai vu, traversé, rencontré pendant si longtemps.

Inconsciemment, j’ai été influencée, depuis l’enfance, par ces images d’endroits verdoyants aux beaux et magnifiques troncs massifs et imposants, alignés, s’élevant sur plus de 30 mètres de haut, filtrant la lumière du soleil jusqu’au sol, au-dessus d’un sous-bois jonchés de feuilles et de quelques ronces. Y apercevoir plusieurs vieux tronc d’arbres tombés au sol me paraissait même surprenant. N’était-ce pas un manque d’entretien ?

Si je souhaitais sortir des sentiers battus, il m’était possible de me promener plus ou moins longuement dans le sous-bois sans réelle difficulté, ni vraiment d’obstacle tant celui-ci était dégagé. Tout me paraissait si normal lorsqu’on me parlait de châtaigneraies, de chêneraies, de pinèdes… Jusqu’au jour où j’ai réalisé que les « vraies » forêts sont rares, que celles que j’aime tant traverser ne sont que le produit et la construction de l’homme au profit de l’exploitation forestière, que ces arbres ont été plantés et sont surveillés jusqu’à être abattus le moment venu.

Et si auparavant, il y a une vingtaine d’années encore, les bucherons prenaient le temps de s’enfoncer dans la forêt et d’y « récolter » les plus beaux pour la construction de meubles, de charpentes ou pour le bois de chauffage, on ne s’attarde plus aujourd’hui à le faire par manque de temps, de moyens, préférant l’usage des abatteuses, ces énormes machines qui remplacent le travail de dix hommes en quelques minutes et participent activement à la destruction des sols. Les coupes rases sur plusieurs centaines hectares devenant alors presque « normales » dans de nombreux endroits.

C’est en commençant à me demander « pourquoi entend-t-on que les arbres sont de plus en plus malades ? », « comment se fait-il que la biodiversité s’effondre avec plus de 31 % du territoire français occupés par la forêt ? » (et je ne parle pas du reste du monde), « pourquoi parle-t-on de la forêt et des arbres comme d’une ressource renouvelable ? », « pourquoi ne voit-on pas un arbre qui respire, qui grandit, qui se reproduit… comme un être vivant alors qu’il s’agit de la définition même de l’être vivant ? ». Il faut effectivement bien nous chauffer, nous habiller, construire notre habitat… Mais avons-nous besoin d’autant de bois ? Tant de questions et aujourd’hui, j’ai cherché à trouver une réponse à celle-ci : « Alors, c’est quoi une « vraie » forêt ? ».

Et j’ai trouvé des premiers éléments de réponses ! Une forêt, ce n’est pas un ensemble d’arbres alignés sur des centaines de mètres, voire des kilomètres. C’est une entité à part entière, un écosystème qui évolue avec une importante diversité d’essences proches l’une de l’autre (nous sommes loin des monocultures qui affaiblissent les sols et appauvrissent la biodiversité), des arbres qui poussent avec une dynamique, en compétition, en collaboration et en synergie avec des plantes, champignons, animaux. Chaque élément a sa place, communique, s’entraide, entretient des pactes (les arbres accueillent par exemple certains animaux pour assurer leur protection face aux maladies et nuisibles et entrent en symbiose avec le monde des champignons pour assurer leurs besoins en minéraux).

Même un arbre mort tombé à même le sol devient un abri pour des centaines d’animaux et une source de nutriments pour le reste de l’écosystème.

S’étageant sur pas moins de trois niveaux (du sous-bois à la canopée), les troncs si droits et si massifs dans une exploitation forestière ne le sont que rarement dans une vraie forêt. Chaque arbre, qui cherche à percer vers la lumière, étant amené à se contorsionner.

Certaines essences sont pionnières (bouleaux, orme, tremble…) sur un nouveau terrain pour y préparer et enrichir les sols, quand d’autres attendent les conditions optimales pour s’implanter.
Quant aux maladies, si elles peuvent ravager une forêt en monocultures, leur propagation est plus difficile face à la diversité, bloquées par des essences qui ne les craignent pas.

Ancients secrets – Kämy Dobï

Une forêt finalement n’a besoin que d’une chose : que l’homme n’intervienne pas ou peu. Elle sait ce qui lui est nécessaire pour son équilibre. Le résultat de plusieurs millions d’année d’évolution.

L’observer, la découvrir, l’écouter, la rencontrer, renouer avec notre environnement, prélever juste ce dont nous avons besoin, rester humbles vis-à-vis de ces entités que sont les forêts est peut-être le plus beau cadeau que nous puissions, non pas lui faire, mais nous faire, car nous ne devons pas sauver la planète (comme beaucoup le pensent. Elle se remettra de nos ravages même si elle y met le temps et continuera à tourner autour du Soleil), mais préserver aujourd’hui la vie, dont celle de l’homme.

A bientôt

Florence de Semeurs de Forêts

Ps : Merci beaucoup à Kämi Dobï, illustratrice également plasticienne et graphiste, d’avoir accepté d’illustrer cet article. Vous pouvez la retrouver sur :

L’article et l’illustration sont publiés sous licence CC BY-NC-ND : Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification